Xyna: l'histoire d'une lionne.

Les bruits de sabots dans l'herbe s'approchèrent du buisson. Le bras du centaure disparut un moment dans les feuilles et en ressortit, tenant par la peau du cou un petit lionceau de la taille d'un gros chat.
Il porta l'animal à hauteur de ses yeux pour évaluer son état. Il était couvert de griffures et égratignures, et sa maigreur qui signifiait qu'il n'avait rien avalé depuis quelques jours. Le centaure sourit tristement: cette fois, son état n'était pas critique et il n'aurait pas à l'amener à son village pour la soigner.
La prenant dans ses bras, il secoua légèrement la lionne. Elle entrouvrit les yeux et sourit en reconnaissant le visage familier, puis pris un des doigts du guerrier dans sa gueule et se mit à téter en se rendormant.
Le centaire soupira et laissa faire, se dirigeant lentement vers le village tauren voisin.


-Et vous dites qu'elle ne quitte jamais sa forme de lionne? Mais comment peut-elle même changer de forme à son âge?
L'elfe parlait avec agitation, en regardant autour d'elle avec curiosité. Jamais elle n'était entrée dans une hutte de tauren auparavant, et elle se sentait en devoir d'observer la vie que les familles menaient en privé.
La taurène qui lui faisait face la regarda calmement.
-On ne sait pas. Le druide qui devait être son maître nous a dit qu'elle devait avoir un don.. Il ne s'est pas éternisé, il avait l'air impressionné. Acceptes-tu de nous aider, chasseresse?
-Vous aider..? Mmh... Je peux bien la prendre comme familier. Mais il me faut une compensation. Vous comprenez, ce n'est pas vraiment une bête dont vous me demandez de m'occuper...
L'elfe sourit à la taurène qui la regardait gravement.
-Bien sûr. Mais ma fille mourra si tu ne fais rien. Le village ne sait pas quoi faire d'elle... Et moi non plus. Elle ne me reconnait pas. On la ramène, dès qu'elle en a la force elle s'enfuit à nouveau, on la retrouve à moitié morte de faim à errer... Il faut cesser.
La taurène prit les mains de l'elfe dans les siennes.
-Je t'en prie, aide la.
Le regard de l'elfe se radoucit un instant, avant de reprendre son parcours dans la pièce et son apparent manque d'intérêt pour la conversation.
-D'accord, d'accord. Je la prendrai. Je l'élèverai et elle sera mon familier. En contrepartie... Ce sera comme si vous n'aviez jamais existé. Quel est son nom?
-Yahsoda.
L'elfe grimaça.
-C'est quoi, ça? Troll? Ca ressemble pas à vos noms taurens.
-C'est le vieux maître druide qui l'a baptisée ainsi. Il a parlé d'une vieille légende trolle... La lionne sans peur.
-Très bien. Puisqu'elle sera à moi, je refuse qu'elle porte un nom troll. Désormais, elle s'appelle Xyna. J'attendrai ici que vous me l'ameniez, puis on partira. Vous ne la reverrez plus, alors faites vos adieux avant. Ce sera comme si vous n'aviez jamais existé pour elle.
L'elfe prit ses aises sur le sol de la hutte, ignorant la présence de la taurène. Celle-ci la dévisagea encore quelques instants, l'air incertain, puis se ravisa et sortit.


La petite taurène avait causé beaucoup de troubles au village depuis sa naissance.
Elle avait commencé à se transformer très tôt, bien avant d'être consciente des limites du village. Avant même d'être sortie de la hutte de sa famille. Elle s'était transformée, et toujours cherchait à s'enfuir.
Il semblait qu'elle était persuadée d'être réellement lionne. Peut-être même n'avait-elle jamais eu conscience de ses liens de sang avec son père, sa mère, ses frères et soeurs. Elle ronronnait chaque fois que quelqu'un la prenait dans ses bras, jouait avec... sans distinction.
Même avec les centaures.

La première fois qu'elle avait quitté le village, on l'avait cherchée longtemps.
Un guerrier centaure avait trouvé une petite lionne abandonnée, à moitié morte de faim et de soif au milieu des prairies du Mulgore. Il l'avait amenée à son village en vue de la dresser en gardien. Après tout, si les hyènes sont puissantes, une lionne bien acclimatée pourrait être très utile.
Il avait fallu lui donner beaucoup de soins, et cela dura plusieurs semaines, durant lesquelles elle était hébergée et nourrie au milieu du village. Comme elle allait de mieux en mieux, les poulains allaient la voir. Les centaures lui donnaient à manger et l'observaient avec curiosité dévorer tout ce qu'ils lui présentaient, et câliner tous ceux qui passaient à portée.
Un jour que les guerriers rentraient d'une nouvelle attaque sur le village tauren voisin, une des hyènes rendue folle par le sang et les cris se jeta sur la lionne et s'acharna sur elle avec violence.
Le temps de les séparer, les centaures découvrirent à sa place une petite taurène couverte de plaies profondes.
Ils mirent du temps à se décider. Passèrent la soirée à qui hurlerait le plus fort, qui taperait le plus vite, pour savoir si elle devait ou pas être tuée. Il fut décidé que celui qui l'avait amenée au village devait l'achever, son corps serait jeté au pieds du village tauren, en exemple.
Quand il s'approcha d'elle, elle ouvrit les yeux et lui sourit sans bouger, puis utilisa ses dernières forces pour se changer en lionne avant de s'évanouir.
Elle se réveilla une semaine plus tard, dans les bras du guerrier, qui galopait à vive allure dans les plaines. Des gardes taurens s'étaient rassemblés à l'entrée du village pour repousser l'intrus: un centaure seul sera massacré, comme les autres qui suivront.
Le centaure s'arrêta avant d'être à portée de tir, et posa délicatement la lionne sur le sol, sans un regard pour les gardes. Puis il repartit dans la direction opposée.


Le guerrier centaure marchait toujours, caressant machinalement la lionne qui somnolait dans ses bras. Il approchait du village tauren, et devrait bientôt s'arrêter. Il n'était pas question d'y pénétrer. Il fallait seulement être assez près pour être vu.
Il aperçu la taurène qui sortait du village en marchant vers lui. Il s'arrêta et attendit. Elle marchait lentement, avait l'air épuisée. On discernait sur ses joues de longs sillons humides.
Arrivée près du centaure, elle tendit ses énormes mains. Il y déposa doucement la petite lionne, qui se laissait faire, sans manifester la moindre émotion.
La taurène serra la petite contre elle et son regard croisa pour la première fois celui du centaure. Elle regarda ensuite la lionne, puis fit un signe de tête vers les plaines des Tarides, avant de replonger son regard triste dans celui du guerrier.
Celui-ci lui hocha la tête, puis tourna les talons et s'éloigna au grand galop. Il devait prévenir son village que la petite lionne avait quitté la région.

La taurène se dirigea directement vers sa hutte, posant la petite lionne aux pieds de l'elfe en murmurant "N'oublie pas, Yahsoda."
L'elfe pris l'animal et le fourra négligemment dans un sac à dos, avant de se lever et partir sans regard pour la taurène, lui répliquant tout de même d'un ton sec:
-C'est Xyna, maintenant.
Puis elle quitta le village.

Le soir même, l'attaque massive des centaures rasa le village.
Le lendemain, la réplique des taurens survivants au massacre rasa le village centaure.

Quelques années plus tard, Ladaya tenta de faire entendre raison à Xyna, lui prouver qu'elle n'est pas lionne mais taurène, en la ramenant à son village natal. Elle ne trouva que les vertes prairies du Mulgore.

Après quelques heures de marche l'elfe s'arrêta. Dans son dos, elle sentait les petites griffes tenter de se frayer un passage à travers le lin du sac. La lionne se débattait depuis un bon moment, grognant et miaulant aussi fort que ses petits poumons le permettaient.
La chasseresse posa le sac par terre et l'entrouvrit. Une petite boule de fourrure en bondit, et se mit à courir autour du sac en hurlant sa rage.
- Calme toi.
La lionne s'arrêta un instant pour dévisager la chasseresse, puis se jeta sur un papillon qui passait par là. Elle le manqua de justesse, et décida de le chasser, comme si elle avait déjà oublié la mésaventure qu'elle venait de vivre.
Ladaya sourit. Son visage s'était considérablement radouci, au fur et à mesure qu'elle s'était éloignée du village tauren. Elle s'assit sur le sac maintenant vide et s'étira en soupirant d'aise. La lionne chassait toujours son papillon tandis que les yeux de l'elfe se mettaient à briller d'une lueur étrange.
- Je suis Ladaya. Je suis ta chasseresse. Tu es Xyna, tu es mon familier.
Le papillon se déroba encore une fois sous les pattes de la lionne.
- Un chasseur n'est rien sans familier. Un familier ne sera rien sans chasseur. Ta vie n'a pas de sens sans moi. Tu m'es liée.
Les yeux de la chasseresse brillaient de plus en plus intensément, fixant du regard la lionne qui suivait le papillon.
- Rien n'existe autour de nous. Rien d'autre que ce que je te montrerai. Tu es mon familier.
La chasseresse fit un geste de la main.
- Zinfrissin.
Un félin gris taché de blanc apparut à ses côtés.
- Pantoufle.
Un loup gris apparut également.
- Ils t'apprendront. Tu dois devenir forte pour moi. Tu dois me rendre fière de toi. Obéis!
Xyna avait plaqué le papillon à terre entre ses griffes, et l'observait se débattre.
- Viens ici.
La petite lionne libéra instantanément le papillon et marcha vers la chasseresse pour s'asseoir à ses pieds.
- Je vais chasser. Ne bougez pas.
La chasseresse se leva et partit. La lionne resta figée, le regard fixé vers l'endroit où était l'elfe quelques secondes plus tôt. Les regards du loup et du félin gris se croisèrent, et ce dernier, souriant, poussa du bout du nez la lionne qui se laissa tomber sur le côté en grognant. Puis il la prit entre ses pattes et entreprit de la toiletter.


Quelques jours plus tard ils arrivèrent à Reflet-de-Lune. Le voyage avait été fatiguant pour tous. La lionne avait pris l'habitude d'être mise dans le sac et en profitait pour dormir, au plus grand regret des deux autres familiers qui devaient la supporter pendant les pauses alors qu'elle sautait partout pour se dégourdir les pattes. La chasseresse parlait beaucoup, ce qui était aussi nouveau pour eux. Elle disait qu'il fallait entraîner la lionne à parler, ça pourrait lui être utile.
Il fallait aller dans cette vallée pour chercher le maître druide de Xyna. Elle espérait que les taurens ne lui avaient pas menti: Xyna ressemblait à une banale lionne des Tarides. Pas de cornes, pas de marque magique... rien qui puisse faire penser qu'elle pouvait être druidesse.

L'elfe entra dans le village sous les regards curieux des gardes, et se dirigea vers un druide elfe de la nuit. Sans un mot, Ladaya sortit Xyna du sac en la tenant par la peau du cou et la mit sous le nez du druide, qui la regardait avec dédain.
- La vallée est le domaine des druides, on s'occupe pas des familiers.
- C'est une druidesse. Je cherche son maître.
- Je sais reconnaitre les lions des druides. Partez, vous me faites perdre mon temps.
Un vieux tauren s'approcha. L'elfe de la nuit le salua respectueusement. Le tauren prit la lionne dans ses mains, l'air grave.
- Yahsoda. Tu as quitté ton village. Ton voyage commence.
- Ah! Vous la connaissez! Bien. Maintenant elle s'appelle Xyna, elle est mon familier. Bon, vous allez continuer à la former - vous savez, les sorts de druide, tout ça... Je peux rémunérer si ça pose un problème.
Le vieux druide fit un geste à l'elfe de la nuit qui, semblant outré de l'attitude de la chasseresse, lui jeta un dernier regard noir avant de s'en aller.
- Je la formerai. Il le faut. Elle deviendra puissante... On va voir, on va voir...
Il posa la petite lionne à terre et commença à mimer des attaques avec sa main. La lionne se mit à pleurer.
- Bien. Très bien.
Il calma la lionne d'une caresse, puis sortit une petite dague et se fit une entaille au doigt, qu'il présenta à la lionne. Les yeux de cette dernière se mirent à luire tandis qu'elle reniflait la plaie, et une aura verte enveloppa le doigt blessé, dont la plaie se résorbait à vue d'oeil. Le vieux tauren sourit.
- Très bien. Très, très bien.
Il leva les yeux vers la chasseresse qui avait observé attentivement la scène et lui sourit.
- Je la spécialiserai dans les soins, puisque c'est ce qu'elle désire. Revenez me voir quand elle deviendra ourse.
Il caressa une dernière fois la lionne et s'éloigna lentement. Sans un mot, la chasseresse fourra Xyna dans le sac en lin et pris la route vers la sortie de Reflet-de-Lune.

Ladaya regardait la lionne courir autour de son arbre. Attachée à l'aide d'une corde de quelques mètres, elle courait en rond, la corde s'enroulant autour du tronc l'obligeaient à faire des cercles de plus en plus petits. La lionne couru, puis atteignant le tronc, fit un rapide demi-tour pour courir dans l'autre sens, en cercles de plus en plus grands, cette fois. La terre aux pieds de l'arbre était tachée de sang.
Cela faisait des heures qu'elle courait ainsi. Elle en avait perdu la notion du temps, fixant le soleil pour oublier la douleur dans ses pattes meurtries.
Elle avait accompagné la chasseresse depuis quelques mois déjà, et ce matin Ladaya l'avait réveillée à l'aube: 'tu es trop lourde pour rester dans le sac. Tu marcheras avec nous, alors tu vas t'entraîner à courir des distances'. Elle l'avait attachée au pied de cet arbre sans lui laisser le temps d'émerger complètement de son sommeil, et avait ordonné. Xyna avait commencé à courir.

Quand ses pattes furent écorchées par les pierres, au début, elle avait tenté de les soigner. Mais arrivée à la fin de la journée, sans boire ni manger, toujours à courir en rond, dans un sens, dans l'autre, puis encore plus près du tronc, puis plus loin... Elle avait arrêté depuis longtemps de se soigner, et avait laissé les pierres entailler ses pattes. Puis la poussière et les gravillons entrer dans les blessures.
La douleur la lancinait. Dès qu'une patte touchait terre, elle devait en repartir. Alors Xyna courait toujours. Vite. Pas de repos, pour que ses pattes meurtries ne restent pas au contact du sol poussiéreux.
Ladaya avait vaqué à ses occupations. Elle était partie chasser, avait mangé avec les deux autres... Mais il fallait courir. Sa maîtresse serait fière d'elle. Elle lui avait donné un ordre, et Xyna serait son meilleur familier. Elle mourrait d'épuisement, si c'est ce qu'elle voulait.

Le soleil disparut. Xyna le fixait depuis si longtemps qu'elle ne s'aperçut pas immédiatement de son absence. Et elle se rendit compte que la nuit était tombée. Elle avait couru en rond toute la journée.
-C'est fini.
La voix de Ladaya, comme une délivrance. L'ourse se laissa tomber à terre au milieu de sa course et roula, inanimée. La chasseresse la prit dans ses bras et fit quelques signes de tête en chantant, les pattes de Xyna brillèrent d'une lueur verte et les blessures se refermèrent petit à petit. Alors elle la posa près de ses familiers avec un bol de lait, et alla se coucher.

Le lendemain matin, le réveil à l'aube fut difficile. Xyna but rapidement sans broncher le bol de lait qui était resté toute la nuit à l'air et n'était plus bon, mais rien d'autre ne lui fut donné. Puis Ladaya enfourcha son talbuk blanc et le fit trotter. Pantoufle et Zinfrissin se mirent à courir à la suite. Xyna les suivit, ses courbatures de la veille limitant ses mouvements, mais au moins les blessures avaient guéri.
Elle courait lentement. Quand le trio la distançait de trop, elle prenait une grande respiration et piquait un sprint pour les rattraper. Puis elle se faisait distancer à nouveau, petit à petit. Et ça recommençait. Elle avait cette impression que les jours se suivraient ainsi désormais. Elle avait passé des semaines dans un sac de toile à être balottée à droite à gauche, maintenant elle devrait courir.
Le soir venu, ils mangèrent. Enfin un vrai repas! Mais cette fois Ladaya ne leur laissa pas le temps de s'installer: "On voyagera de nuit aussi". Et ils repartirent, toujours au trot.
Dans la nuit, Xyna changea de forme. Une nouvelle apparence, plus élancée, plus aérodynamique, qui lui permettait de ne plus se laisser distancer par les autres. Cette forme la fatiguait moins, et elle ne sentit plus le poids des heures de course dans ses pattes.

Ils arrivèrent à Reflet-de-Lune dans la matinée. Le vieux druide tauren les attendait, visiblement, et les accompagna paisiblement dans une petite clairière près du lac. Ils mangèrent, et dormirent toute l'après-midi, sous le regard bienveillant du vieux maître, et Xyna se réveilla seule avec lui le soir venu.
- Ils sont partis faire un tour, ils vont revenir ne t'inquiètes pas.
La lionne regarda le druide.
- L'ours a une fourrure et une peau épaisses. Il peut encaisser les coups beaucoup mieux que le félin.
La lionne écoutait attentivement.
- Ta première forme de félin a des griffes aiguisées et des mâchoires puissantes. Elle est faite pour être agile. Le félin ressemble à une fouine et se cache dans les ombres. La seconde est taillée uniquement pour la course. Elle te servira à te déplacer, comme ta forme d'oiseau.
Il regardait la lionne, qui s'était détournée et faisait des ronds dans l'eau, du bout de la patte, délicatement.
- Quand tu apprendras ta forme de l'Arbre de Vie, tu pourras soigner mieux que jamais. Tes feuilles guériront également du poisons et des malédictions.
La lionne donnait des coups de patte de plus en plus violents dans l'eau, et regardait avec émerveillement les dessins que faisaient les éclaboussures. Le druide l'observait.
- Si c'était mal, ce que tu fais à l'eau?
La lionne stoppa net en posant sa patte à la surface de l'eau, comme pour la calmer, en regardant son maître l'air désolée.
- Tu n'as aucune conscience du bien ou du mal, n'est ce pas? Tu peux parler, je sais que tu en es capable.
La lionne rougit, et se tourna complètement vers le druide.
- Le mal, c'est faire ce qu'on me dit de ne pas faire. Le bien, c'est obéir aux ordres.
Le vieux tauren regardait gravement Xyna.
- Tu es un très bon familier. Ladaya t'a bien... dressée.
Les yeux de la lionne se mirent à étinceler, et elle se redressa fièrement.
- Merci!

L'entraînement était dur, mais portait ses fruits : Xyna apprenait vite, et il serait bientôt temps pour elle de revoir son vieux maître pour qu'il la dirige, si elle le souhaitait, vers une autre formation. Ladaya pensait la perfectionner dans sa maîtrise de sa forme féline, afin que Xyna puisse chasser pour elle. Ça lui ferait gagner du temps.
La lionne avait à présent presque un an et demie. Depuis quelques mois, sa chasseresse fréquentait quelqu'un. Un elfe, de ceux qui manipulent les âmes. Ladaya la délaissait, et l'abandonnerait bientôt pour de bon, si elle ne faisait rien, elle en était sûre. D'ailleurs, elle avait ralenti la fréquence de ses séances d'entraînement. Ladaya passait de plus en plus de temps avec l'elfe, de moins en moins avec elle. Il se voulait gentil : un leurre ! Xyna voulait être le meilleur familier, et il lui volait le temps de sa chasseresse pour l'empêcher d'atteindre ce but. Elle devait agir vite et être exemplaire, sa maîtresse se rendrait compte qu'un mâle n'est rien comparé à la fidélité et la dévotion qu'elle lui vouerait.



La chasseresse entra dans la petite auberge du Poste de Bois-Brisé. Elle avait l'air épuisée, devait n'avoir pas dormi depuis plusieurs jours. Ses vêtements et sa peau étaient tâchés et maculés de boue, et ses cheveux avaient été rapidement, maladroitement attachés dans une vaine tentative de cacher leur état pitoyable. Elle marchait lentement, traînant les pieds, retenant avec peine la porte pour laisser passer la jeune lionne qui l'accompagnait.
Le félin était à l'image de sa maîtresse: la fourrure mitée et sale, et couverte d'égratignures et de taches de sang séché. Elle marchait à la même allure que l'elfe, lentement ; ses pattes effleurant le sol laissaient des sillons dans la poussière de l'auberge. Ses yeux étaient fixes, sans vie. Elle suivait sa maîtresse, aveugle, ignorant le monde autour d'elle. Ni son regard, ni ses oreilles, ni sa queue ne bougeaient, seules ses pattes la faisant avancer témoignaient qu'elle était en vie.

Ladaya laissa la porte se refermer derrière Xyna, puis balaya la salle du regard. Reconnaissant le vieux druide tauren près d'une fenêtre, elle se redressa en prenant une profonde inspiration, puis se dirigea lentement vers lui, la lionne sur les talons. Le druide regarda intensément la lionne, puis fixa la chasseresse tandis qu'elle s'agenouillait à ses pieds, prenant sa main dans les siennes pour y presser son front.
- Vieux maître, j'ai besoin de ton aide.
Il regarda l'elfe sans bouger, puis la lionne, qui s'était arrêtée à côté de sa maîtresse et restait là, debout, immobile, son regard vide fixant le mur auquel elle faisait face.
- Assied-toi. Bois un peu et dis-moi.
Ladaya releva la tête, ignorant le verre qu'il lui désignait, et tendit une main vers Xyna pour la caresser.
- Xyna. C'est ton maître druide. Regarde-le et salue.
La lionne se tourna complètement face au tauren et le regarda sans émotion, lui faisant un signe de tête. Puis resta ainsi.
- Dors, maintenant.
Ses pattes se dérobèrent et elle tomba, profondément endormie. Ladaya resta un moment en silence à la regarder, son regard se voilant quelques secondes.
- Que s'est-il passé?
L'elfe sursauta et regarda le druide. Comme il lui tendait le verre d'eau, elle le prit et s'assit par terre près de son familier.
- Je n'ai jamais connu de chasseur qui soit arrivé à ce résultat.
Elle s'arrêta et porta le verre à sa bouche sans le boire, se perdant dans ses pensées. Le druide la laissa faire un moment, puis lui caressa la tête, lui souriant pour l'inciter à reprendre.
- Nous nous sommes disputées... Elle est... Enfin tu vois, je fréquente un elfe depuis quelques temps...
Elle regarda le vieux maître, l'air coupable. Comme il lui souriait toujours calmement, elle continua.
- Et c'est vrai, je passais tout mon temps avec mes familiers... Le temps que je passe avec lui, je les laisse seuls...
Elle croisa rapidement le regard du tauren, et compris qu'il ne servait à rien de s'éterniser en explications.
- Elle l'a attaqué.
Ladaya regarda tendrement la lionne qui dormait profondément.
- J'étais partie un peu plus loin, et elle en a profité pour l'attaquer. Elle lui a dit de ne plus revenir se mettre entre nous, que je n'avais besoin que d'elle, qui était le meilleur familier... Alors je me suis emportée...
Elle soupira longuement.
- Je lui ai ordonné... violemment... Je lui ai dit que... enfin tu sais, pour nous chasseurs, quand on dresse une bête... Ce qu'on veut, c'est de l'obéissance, de la fidélité... On leur donne un autre nom pour se l'approprier et effacer son passé, on lui brise son âme pour la forger comme on l'entend...
Elle serra les dents et se forca à continuer.
- Je lui ai dit qu'elle ne serait pas le meilleur familier tant qu'elle n'apprendrait pas à obéir. Qu'un vrai familier n'avait ni envies, ni pensées, ni émotions. Ne ressentait ni la peur, ni la douleur, et ne vivait que par et pour son maître.
Elle s'arrêta, les yeux rivés sur la lionne pour fuir le regard du tauren, qui prit enfin la parole.
- Et c'est ce qu'elle a fait.
- Oui... Elle est devenue une machine...
- Tu savais quel serait le résultat?
Ladaya leva les yeux vers le druide.
- C'est... l'idéal de tous les chasseurs. C'est en vue de ça qu'on dresse les familiers, sachant que jamais aucune bête... n'arrive à cet extrême... On les dresse dans ce sens, mais on leur laisse leur personnalité...
- Pourquoi m'as-tu appelé?
- Je n'arrive pas à la récupérer.
- Depuis combien de temps?
- Ca fait une semaine... Je suis obligée de veiller à chaque instant, de tout lui ordonner... Elle s'est brûlée plusieurs fois en restant trop près du feu, elle a failli se noyer en traversant une rivière, avant que je m'en rende compte et lui ordonne de nager à la surface... Je n'arrive pas à trouver comment la débloquer.
- Pourtant, elle est devenue ce que tu voulais, le familier parfait.
- Oui... Mais... Je ne veux plus, pour elle, qu'elle soit mon familier. Je veux qu'elle retrouve son âme, qu'elle fasse des choix, qu'elle soit heureuse, qu'elle vive!
- Mais il te faut pour ça lui donner un dernier ordre.
- Il n'y a pas d'autre alternative?
Le vieux druide la regarda sans répondre, puis tourna son regard vers la lionne.
Ladaya s'approcha d'elle, hésitante.
- Réveille-toi...
Xyna ouvrit les yeux sans bouger.
- Assied-toi... regarde moi.
La chasseresse s'assis sur ses talons, face à la lionne, qui la regardait dans les yeux.
- Xyna, je te libère. Tu n'es plus mon familier.
Elle parlait lentement, détachant chaque syllabe, à la lionne qui la fixait, immobile, attendant la fin de l'énoncé.
- Je veux que tu sois vivante. Que tu écoutes ton coeur et retrouves ton âme. Que tu fasses des choix, et choisisses ce qui te rendra heureuse...
Elle s'arrêta, mais la lionne restait toujours immobile. Il fallait finir l'énoncé pour ordonner une dernière fois. Ladaya termina dans un souffle.
- Obéis.

Xyna secoua la tête, et regarda Ladaya d'un air interrogateur, puis le vieux druide qui lui souriait calmement. Il prit la parole, tandis que Ladaya serrait dans ses bras, tremblante, la lionne étonnée de tant d'affection.
- Tu vas bien, petite?
Xyna hocha lentement la tête.
- Oh oui ! Mais j'ai faim ! Et soif !
Elle donna un coup de langue à Ladaya, qui l'avait lâchée, et partit en sautillant à la découverte de l'auberge, reniflant ça et là et donnant des coups de langue aux clients qu'elle croisait.
La chasseresse souriait, ses yeux brillant suivant la lionne du regard.
- Merci... Merci.
Xyna revint vers la table et posa sa tête sur les genoux du tauren, qui la caressa gentiment, fixant l'elfe.
- Alors, Xyna. Dis-moi. Tu as bien grandi, quels sont tes projets ?
La lionne leva la tête pour regarder le druide dans les yeux, l'air soudain grave.
- C'est quoi, des projets ?
- C'est ce que tu veux faire, plus tard, répondit le tauren en souriant.
- Plus tard ? Je vais m'entraîner dur, apprendre à chasser, et à combattre, et à soigner, et je serai le meilleur familier que Ladaya aura jamais eu !
Elle se mit à rire en sautant partout dans l'auberge, se faisant crier dessus par le propriétaire des lieux, ce qui semblait l'amuser encore plus.
Ladaya se figea et regarda Xyna, puis interrogea le vieux maître du regard. Il lui sourit calmement en se relevant.
- Elle a choisi ce qui la rendait heureuse... Ne me l'amène pas, elle choisira elle-même quand il sera temps de me revoir.
Il sortit à pas lents de l'auberge, donnant rapidement une caresse sur la tête de la lionne qui jouait à lui sauter autour pour l'accompagner vers la sortie. Ladaya le regarda s'éloigner, toujours assise sur le sol. Puis elle se releva lentement et se dirigea vers la sortie en soupirant. Elle se retourna pour appeler Xyna.
Elle eut le temps de voir la lionne sauter comme une flèche du comptoir en riant, la gueule trempée de lait, et filer hors de l'auberge, le serveur la coursant en hurlant avec un balai, une bouteille cassée dans l'autre main. Elle sourit en secouant la tête et jeta une pièce d'or au serveur avant de s'éloigner.

J'ai tout lu, et à part quelques fautes par-ci par là qui disparaitraient après re-lecture, c'est très intéressant.
Un seul bémol : tu n'explique pas assez de choses sur Ladaya. Moi-même j'étais convaincu que c'était une elfe de la nuit (ça aurait mieux collé, parce qu'une elfe de sang qui se balade à Kalimdor au milieu des taurens et vers Reflet-de-lune, c'est assez surprenant, et si c'était une elfe de la nuit, elle aurait été coté Alliance et ça aurait pu expliquer une séparation violente entre les deux personnages par la suite).

Je trouve néanmoins que tu aurais pu travailler plus encore l'année d'entraînement qui s'est écoulée pour Xyna. Par exemple tu introduis des personnages (oui bon, des familiers) comme Zinfrissin et Pantoufle pour ne les ressortir qu'une fois après et je doute qu'on en entende beaucoup parler par la suite.

J'ai hâte de lire la suite!